Ces temps-ci, je ne sais si c’est à cause de la grippe qui me visite le corps, mais je dors mal et vraiment peu. Alors que je suis éveillée, mon esprit vagabonde et j’ai des pensées négatives qui nourrissent allègrement mes craintes de rechute. Tout petit mal ou élancement qui survient dans mon corps provoque instantanément en moi un sursaut de frayeur.
La nuit dernière, je réalisais combien j’étais plus forte mentalement durant mes traitements de chimiothérapie que depuis les derniers jours. Les maux de ventre qui m’habitent ces temps-ci suscitent toute une gamme d’émotions…qui n’ont pas des couleurs attendrissantes.
Oui, il n’y a pas si longtemps encore, j’étais une guerrière… J’avais de l’énergie à revendre. C’est tout le contraire dans le moment … Je suis fatiguée… J’ai beau me dire que tous ceux qui ont la
grippe se sentent éreintés, épuisés, tout comme moi. Non, cette fatigue me rend quasi dépressive. Malgré moi, j’interprète la situation comme un symptôme de récidive.
Je ne savais pas que le cancer m’affecterait dans tout mon être, dans ma condition physique. Qu’il atteindrait mon état mental, affectif et même spirituel.
Pourtant, je pétais le feu, il n’y a pas si longtemps. J’étais tellement contente d’avoir terminé mes traitements de chimiothérapie et avec un certain succès…
Là, j’ai peur. J’ai peur des prochains résultats de mon scan passé mardi dernier. C’est évidemment ridicule… D’autant plus que la petite bosse dans mon cou semble disparue…Je ne la sens plus… Mais pourquoi j’ai mal dans mon ventre… ?
Cette nuit, je tentais de me réconforter en reconnaissant qu’il y avait une gastro-entérite qui courait…Un maudit virus qui touche tout le monde, quoi ! Que je n’y échappais pas, tout simplement. Que dans quelques jours, la forme physique viendrait me ragaillardir le mental qui se dégonfle pas mal et vitement, tout reviendra à la normale... Que c’est sécurisant la normalité, hein ?
Je n’y arrive pas aujourd’hui.
La rechute…Elle m’effraie. Elle m’obsède.
L’avenir m’inquiète évidemment… J’essaie de ne pas y penser mais tous les jours, le mot cancer
me traverse l’esprit, bien malgré moi… J’ai tant de questions sans réponse… Mon traitement a-t-il réellement porté fruit… ? Puis-je croire que pour un certain temps je suis revenue « à la normale » ? Heureusement qu’il y a ma routine à laquelle m’accrocher…Puis-je vraiment croire aux projets d’avenir au-delà d’une année… ? Est-ce que le mot avenir a vraiment droit de résidence dans ma vie ?
Oui, la grippette qui me rend visite me fait prendre conscience que ma santé n’est pas acquise… Je dois apprendre à vivre avec ce constat… Pas facile.
Peut-être aussi que j’exige trop de moi ? Trop rapidement sans doute…
Puis, entre vous et moi, quand on est face au cancer, quand il nous regarde en plein dans les yeux, y a-t-il une seule manière de réagir ? Non, évidemment… On n’a que celle qui nous convient… De toute façon, toutes les réactions doivent inévitablement finir par nous secouer le cœur et l’âme…
C’est difficile de tout prendre du bon côté. Je rêve d’y arriver… mais est-ce vraiment atteignable ? Réaliste ? Je pousse peut-être trop loin mon besoin de combattre… Je me demande un peu trop… Qu’est-ce que je suis en mesure d’affronter… ?
Vivre avec le cancer n’est pas une sinécure… Demeurer positif exige beaucoup d’énergie… Je crois que ma grippe en me rendant un peu moins vigoureuse me fait comprendre que je ne peux être optimiste à toutes les secondes de ma journée. Que je ne dois pas m’en culpabiliser et par le fait même être déçue de mon inaptitude…
Aujourd’hui, je ne suis pas une guerrière… J’aurais davantage envie de pleurer. De crier mon incapacité…
La crainte de la récidive se transforme en une véritable épouvante quand je ne parviens pas à dormir la nuit… L’anxiété prend toute la place… Elle me rend presque prête à hurler.
Je trouve cela vraiment difficile, vous savez… Je sais aussi que toute cette angoisse va finir par se résorber d’ici peu… et m’aider à fuir ce dédale quasi inextricable de réflexions et de troubles qui se logent dans ma tête.
Va falloir que j’apprenne à vivre de six mois en six mois, je crois…
Je me sens fragile aujourd’hui, comme si mon moral battait aux quatre vents…
Toutefois, le fait de vous l’écrire m’apaise déjà un peu… Merci d’être là. Vous êtes une source de réconfort dans cette petite tempête d’émotions.
Je vous embrasse,
Claire.