samedi 28 mai 2011

J’aime la vie…

Quand on aime quelque chose, on en prend soin. J’aime la vie, alors j’en prends soin.
Je lui donne toute la place possible… et bien au-dessus de ces deux satanés de cancer qui m’habitent.
Oui, j’aime la vie…
J’aime sa force et sa beauté indescriptible… J’aime sa vivacité!
Je sais cela ne se dit pas d’aimer la vivacité de la vie, mais moi je me permets de l’exprimer, haut et fort…
En 2008, lorsque je suis entrée en chimiothérapie, je craignais cette rencontre inconnue qui m’attendait. J’avais peur de mourir, j’avais peur de la souffrance, j’avais peur de la maladie, j’avais peur de devenir une cancéreuse. Heureusement, mes nuits d’insomnie m’ont portée vers de grandes zones d’espoir. J’ai fini par réaliser que j’avais le choix : vivre ou bien mourir. C’est alors que j’ai pris la décision ultime d’être, d’abord et avant tout, une personne vivante, immensément vivante! Je refusais d’être séquestrée à l’intérieur d’un seul mot : cancéreuse!
Cette attitude m’a été bénéfique et le demeure toujours. Au point tel que je côtoie maintenant cette maladie sans ressentir d’amertume… Tout au contraire, j’ai tant et tant appris d’elle…
Le cancer n’a pas d’emprise sur la force vitale qui m’habite. Je ne lui ai pas donné cette autorisation. Il en a été de même pour la souffrance. Je lui ai refusé de prendre toute la place dans ma vie, dans ma tête et dans mon corps! Quand j’ai des élancements, je ne me bats pas contre la souffrance que je ressens. Je m’en sers comme tremplin. J’aime bien trop la vie pour me cloîtrer derrière la souffrance! Alors, je me concentre… Je me réfugie dans l’amour du moment, dans cette plénitude et je laisse tournoyer la douleur… Je l’imagine alors butinant, papillonnant… L’intensité de la douleur s’estompe peu à peu… Je l’oublie… et je poursuis ma vie… heureuse!

Au cours des prochains mois, je prendrai soin vigoureusement de ma vie, de mon corps et de mon âme. J’espère ne pas avoir à combattre trop souvent l’apitoiement de certaines personnes. C’est tellement difficile de faire face à trop de compassion de la part de son entourage… Je sais que cet attendrissement à mon égard se veut une marque d’amitié, d’amour, et je remercie de tout cœur tous ces gens… mais cela gruge la force vitale que j’alimente au plus profond de moi. Cette bienveillance ne fait que me rappeler ma maladie et son versant ténébreux, ses images déshumanisantes, ses heures noires… Je ne veux pas de pitié, de mansuétude, de compatissance… Je veux des élans de joie de vivre, de l’enthousiasme, du rire, de la jovialité… Je veux qu’on rayonne de vie autour de moi, c’est cela qui me conduira vers la rémission et m’accordera encore et encore du temps, des jours, des mois et des années ici-bas… J’aime la vie, alors j’en prends soin…

Je vous aime…
Claire

P.S. J’attends avec impatience l’appel téléphonique de l’hôpital qui me confirmera la date de mon opération… On avait cru que ce serait le 27 mai, puis le 30… Tout semble se diriger pour vendredi 3 juin…. J’attends la confirmation avec impatience…Je suis prête encore une fois pour mon grand combat!

lundi 16 mai 2011

Un petit mot…

Un petit mot pour vous dire que je vous aime, avec beaucoup de tendresse.
J’aime venir sur ce blogue prendre le temps de vous écrire et de lire vos commentaires…
Ce blogue est vraiment un moment de quiétude pour moi…
Demain, je pars pour la Floride m’y reposer à notre condo, une petite semaine. Au retour, la salle d’opération m’attend…
Tout ira bien, j’ai décidé…

D’ici là, rappelez-vous des cinq règles essentielles pour être
heureux :
1- Libérer son cœur des rancœurs
2- Libérer son esprit des soucis
3- Vivre simplement
4- Donner plus
5- Espérer moins de l’humain

Et n’oubliez pas que « Vieillir est obligatoire, mais grandir est un choix… !

Tendresses à chacun, chacune.
Je vous enverrai plein de soleil.
A bientôt.

Claire.

P.S. Aujourd’hui mon Pierre-Étienne a 25 ans….Il est un homme maintenant…

vendredi 13 mai 2011

Je suis fatiguée…

Depuis quelques jours, je remarque une fatigue grandissante qui s’installe… Je n’ai plus de doutes : mon opération qui aura lieu à la fin du mois a vraiment sa raison d’être. La récidive de mon cancer de l’ovaire me gobe pas mal d’énergie. Je ressens une certaine lassitude. Cela me dérange, car je peine à marcher mes cinq kilomètres quotidiens… Disons que je me contente de trois depuis quelques jours…
Le compte à rebours est commencé d’ici le Jour J…
Je partirai me reposer quelques jours à notre condo en Floride d’ici la date d’opération…

Je navigue sur des émotions contradictoires ces temps-ci : parfois j’ai hâte de passer sous le bistouri qu’on en finisse et que revienne vite mon énergie légendaire, parfois, je crains de devoir encore une fois me payer la traite en zigouillage et devoir subir les douloureuses conséquences physiques qui s’en suivront.

Ce matin, lors de ma rencontre avec le médecin de l’admission, il m’a informée des résultats de mon électrocardiogramme de mardi dernier et des analyses sanguines : je pète le feu !!!! Tant mieux, moi je ne trouve pas vraiment…Il me confirme que je suis « opérable » ! C’est chouette comme constat… À cela, je préfère entendre : je vous offre un cornet de crème glacée à la tire et sucre d’érable… avec DEUX BOULES. Il me semble que ce serait plus énergisant…

Alors, on va de l’avant…le bistouri m’attend !
Dire que dans un mois je commencerai aussi mes traitements de chimio… Où est donc ma perruque? ? Faut que je la trouve…

Bon, je vais profiter de cette superbe journée pour aller faire un tour… Peut-être même aller au cinéma, à la représentation de 17 h 30, voir Potiche avec Catherine Deneuve. Cela me fera du bien au moral, me changera les idées…

Demain et dimanche, j’assisterai aux concerts « Laudate » que donne le chœur Amabilis. On y chantera des chants sacrés, tirés de messes de Mozart et de Haydn. J’ai hâte… Pierre fait partie de cette chorale en tant que ténor… Cela le rend vivement heureux.

Dimanche, mes enfants me fêteront lors du souper qu’ils auront préparé chez Catherine… C’est un bon moment que d’être la « reine » d’une journée…

Hier, j’ai vécu un extraordinaire moment… J’ai enregistré deux autres chansons… J’en ai sept de finalisées… Oh, la, la… quel plaisir. C’est André, le conjoint de ma sœur Lorraine, qui fait les arrangements musicaux de mes chansons. Il est musicien… c’est surtout un artiste… un peintre de la musique… C’est tellement beau ce qu’il fait… Il sait saisir l’émotion que dégagent les paroles et la musique de mes chansons…

Je me considère choyée de pouvoir écrire des chansons… et aussi des romans. Les mots ne m’effraient pas…

Bon, je vous laisse terminer votre journée… Je fais de même…
J’essaie de ramasser tous mes morceaux et me donner le courage d’aller marcher au moins trois kilomètres à défaut de faire davantage, telles mes habitudes… Mais je sais que dans un mois, chimio ou pas, l’énergie sera revenue me revigorer et je reprendrai mon circuit pédestre quotidien, comme si de rien n’était…

Je vous embrasse…
Prenez soin de vous…

Claire, un peu fatiguée…

dimanche 8 mai 2011

La Fête des Mères

Aujourd'hui, ça fait 36 ans que tu es une maman... Une maman extraordinaire et merveilleuse qui a su démontrer à tes filles et ton garçon comment être dans la vie et comment foncer dedans... comment sauter à pieds joints vers l'avenir et combattre nos craintes. Tu es un exemple parfait de ce que c'est que de vivre et de se battre... Tu devrais être un livre Grolier blanc que tu m'avais acheté quand j'étais plus jeune.

Depuis le début de ton cancer, j'ai toujours cette crainte qu'un jour trop proche, je ne pourrai plus te dire en personne que je t'aime et que tu es importante dans ma vie. J'en profite maintenant pour le faire et te dire que je veux pouvoir te le souhaiter très longtemps.

Donc en cette journée de la fête des mères, je te souhaite une très belle journée !

Je t'aime,

ta fille,

Catherine

vendredi 6 mai 2011

Le jour où je me suis aimé pour de vrai

Texte de Charlie Chaplin...

Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai compris qu’en toutes circonstances,
j’étais à la bonne place, au bon moment.
Et alors, j’ai pu me relaxer.
Aujourd’hui je sais que cela s’appelle… l’Estime de soi.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai pu percevoir que mon anxiété et ma souffrance émotionnelle
n’étaient rien d’autre qu’un signal
lorsque je vais à l’encontre de mes convictions.
Aujourd’hui je sais que cela s’appelle… l’Authenticité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
J’ai cessé de vouloir une vie différente
et j’ai commencé à voir que tout ce qui m’arrive
contribue à ma croissance personnelle.
Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… la Maturité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai commencé à percevoir l’abus
dans le fait de forcer une situation ou une personne,
dans le seul but d’obtenir ce que je veux,
sachant très bien que ni la personne ni moi-même
ne sommes prêts et que ce n’est pas le moment…
Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… le Respect.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai commencé à me libérer de tout ce qui n’était pas salutaire,
personnes, situations, tout ce qui baissait mon énergie.
Au début, ma raison appelait cela de l’égoïsme.
Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… l’Amour propre.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai cessé d’avoir peur du temps libre
et j’ai arrêté de faire de grands plans,
j’ai abandonné les méga-projets du futur.
Aujourd’hui, je fais ce qui est correct, ce que j’aime
quand cela me plait et à mon rythme.
Aujourd’hui, je sais que cela s’appelle… la Simplicité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai cessé de chercher à avoir toujours raison,
et je me suis rendu compte de toutes les fois où je me suis trompé.
Aujourd’hui, j’ai découvert … l’Humilité.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai cessé de revivre le passé et de me préoccuper de l’avenir.
Aujourd’hui, je vis au présent, là où toute la vie se passe.
Aujourd’hui, je vis une seule journée à la fois.
Et cela s’appelle… la Plénitude.

Le jour où je me suis aimé pour de vrai,
j’ai compris que ma tête pouvait me tromper et me décevoir.
Mais si je la mets au service de mon cœur,
elle devient une alliée très précieuse !
Tout ceci est… Savoir vivre.

Charlie Chaplin

P.S. C'est tellement beau, vrai...Voilà pourquoi je le partage sur mon blogue à vous tous que j'aime.
Claire.

mardi 3 mai 2011

C’est mon anniversaire !

Aujourd’hui, j’ai 59 ans… Dans un an, j’aurai 60 ans !
Oh la ! Le temps passe…vite, vite !

C’est fou, au lieu de songer à m’arrêter, j’ai le goût plus que jamais de déployer mes ailes ! Avec délicatesse évidemment, en évitant de blesser quiconque autour de moi.Oui, j’ai envie de m’émanciper encore un peu… du moins pour le temps qu’il me reste. Depuis quelques jours, j’élabore de nouveaux projets. Tout cela m’interpelle, me demande d’être créative… J’adore ! Je cherche… Oui, je cherche, tous les jours… Je m’amuse…

Quand je jette un coup d’œil derrière moi, je réalise combien de défis la vie m’a lancés et combien j’ai su en relever. Alors, je n’ai plus de craintes maintenant. Je sais parfaitement ce que je suis capable de mener à bien, de réussir. Je sais aussi ce que je ne veux pas accomplir. Mais je sens bien que ma soixantaine saura s’occuper de moi, car elle me lance déjà des défis, ne serait-ce que dans le domaine de la santé. Mais il y a plus… je vois cela poindre à l’horizon… J’ai l’impression que la soixantaine me demande de rentrer encore davantage en moi-même, de m’interroger, d’assumer mon passé, de vivre davantage le moment présent et d’apprécier la vie dans sa simplicité. En fait, elle m’indique de commencer à vivre pour moi-même… et créer.

C’est mon anniversaire. J’ai reçu plein d’amour aujourd’hui.
Je suis toujours émue le jour de mon anniversaire. C’est la faute du temps. C’est sans doute la seule journée de l’année où je prends vraiment conscience de sa course effrénée. C'est la force la plus inflexible que je connaisse. On ne peut rien contre elle… Par moments, j’ai eu un peu la frousse aujourd’hui…59 ans, c’est presque 60 ans ! Je me suis même demandée, s’il y avait un avenir pour moi avec mes deux cancers…Mais là, je me suis calmée le pompon et j’ai ressaisi mes émotions et j’ai vu que ce moment de tristesse était plus qu’éphémère, car peu importe le temps qu’il me reste, ce qui demeure c’est celui qui reste et j’ai décidé de le prendre à pleine mains. Oui, je veux vivre, vivre et vivre encore…. C’est ma façon d’aimer la vie…

Comme souhait d’anniversaire, faites-moi plaisir et continuez de prendre soin de vous-mêmes, simplement par amour pour vous.
Je vous aime grandement, chacun, chacune.

Claire.

Un article paru dans le magazine VITA

Pour ceux et celles qui ne l'avaient pas lu

J'ai reçu plusieurs demandes...
Voici donc l'article qu'a écrit ma soeur Hélène, journaliste, dans la chronique CORPS ET ESPRIT – VÉCU du magazine VITA du mois d'avril dernier.
Vivre avec le cancer
Ma soeur, mon amie, la vie

Et si le cancer enseignait à vivre? À cette question qui peut sembler absurde, Claire, elle-même atteinte d’un cancer incurable, apporte une réponse… lumineuse !

par Hélène Matteau

24 janvier 2008. «Bonjour vous tous que j’aime, mes frères, mes sœurs, mes amis. Ce matin, j’ai appris une mauvaise nouvelle: j’ai le cancer!»
Quand j’ai reçu ce courriel, le temps s’est figé. Les mots de Claire, ma petite sœur, n’arrivaient pas à pénétrer mon cerveau. Pas ça, pas elle, si pétillante de santé, qui commençait, libérée, sa retraite. Et ses cinq enfants? Il est toujours trop tôt pour voir mourir sa mère!

Fin octobre 2010. Claire sort de chez elle, habillée bien chaudement. Elle traverse la rue, pénètre dans le sous-bois et emprunte d’un bon pas la piste de randonnée. Elle entreprend sa marche quotidienne. Une heure avec elle-même. Cette habitude, elle l’a adoptée à 55 ans, quand elle a appris qu’elle souffrait d’un cancer. Un sale cancer des ovaires, l’un des plus meurtriers de tous, parce que sans symptômes. Des métastases dans tout le corps. Incurable. C’était une petite bosse de rien du tout, dans le cou. Elle aurait pu ne jamais s’en inquiéter. Elle serait morte très vite.

Pourtant, trois ans plus tard, Claire est toujours là. Vivante, énergique, joyeuse … même si elle souffre, depuis, d’un deuxième cancer, du sein celui-là. Bon dieu, comment peut-elle garder le moral ? Et plus encore, faire des projets? Car non seulement elle en fait, mais elle les réalise! Un blogue régulièrement alimenté, trois nouveaux bouquins publiés avec tout ce que cela comporte de suivi médiatique, un déménagement avec changement complet de cadre de vie, une vie familiale intense… Et j’en passe.

Aujourd’hui, je l’accompagne, magnétophone en poche. Une promenade en pleine nature, rien qu’elle et moi, rapprochées sous l’abri des derniers feuillages, pour parler des «vraies affaires». Celles qui regardent l’âme.

Claire n’oubliera jamais le choc du tout premier jour. «Juste le mot cancer, et tout de suite j’ai pensé à la mort. C’est vraiment un coup de poing. Je me suis sentie basculer comme si, littéralement, j’allais tomber en bas de ma chaise. Ce mot-là m’arrachait tout projet, tout avenir. Il m’a fallu quelques heures pour décortiquer la nouvelle. Je n’arrivais pas à dormir ni à saisir à quoi je devais m’attendre. Je ne connaissais pas ce cancer-là, je n’avais pas de douleur, seulement une bosse. Je me disais que c’était une erreur, qu’ils s’étaient trompés. Non, non, non, je ne veux pas mourir! Et puis, lentement, je me suis mise à y penser, à la mort, à comprendre qu’elle faisait maintenant partie de ma vie.
― Tu t’es faite à l’idée de mourir?
― Oui. Je pourrais toujours espérer un miracle, mais je perdrais mon temps. Surtout que les médecins m’ont expliqué que dans mon cas, il n’y a pas de guérison possible. Seulement sept pour cent de chances de survivre cinq ans. Ma finitude est donc là, devant moi. Mon compte à rebours a commencé en 2008, alors tu comprends que j’ai l’impression que les grains du sablier s’écoulent de plus en plus vite … Je sais bien que je ne peux pas me projeter 10 ans en avant, mais je ne veux pas y penser: je rejette absolument tout ce qui est négatif dans ma vie ! Me projeter de six mois en six mois, ça me suffit! Et puis je choisis les personnes avec qui je désire garder contact. J’ai découvert que certaines relations étaient toxiques pour moi: je les ai laissées tomber. Aussi, j’ai appris à vraiment suivre mon intuition. Quand je l’entends me dire: «Claire, tu n’es pas bien», je l’écoute. Je n’ai plus ni le temps ni l’énergie pour me battre contre elle.
― Quand on t’a annoncé que non seulement ton cancer récidivait, comme prévu, mais qu’il y en avait un deuxième, à quoi as-tu pensé ?
― Que j’avais beau être forte, ça commençait à aller mal un peu! [Rires] Et puis je me suis dit: «OK, cette fois je sais quoi faire, comment l’affronter, le cancer. Mon corps m’a bien servie jusqu’ici, maintenant qu’il a des problèmes, c’est à moi de prendre soin de lui. Je suis mes traitements, je me nourris bien, je fais de l’exercice…

Mais je me suis inquiétée, je l’avoue : qu’est-ce que je vais laisser en héritage? J’ai écrit des livres, c’est une chance! Surtout L’Embellie, un cancer dans ma vie. Celui-là, je tenais à ce qu’il se fasse, et il existe. Je vais donc laisser à mes enfants mes livres, mes poèmes, puis mes chansons et mes compositions musicales. Ces temps-ci, j’enregistre un CD qui regroupera tout ça. Ce sera mon message: «Regardez, on peut créer! Vous en êtes capables, créez votre vie!»
― As-tu eu des périodes du genre «Pourquoi ça m’arrive à moi?» ?
― Non. Je n’ai jamais victimisé ni culpabilisé. Je n’ai même pas pensé: «Je n’aurais pas dû fumer». J’ai fumé 36 ans, j’ai peut-être une part de responsabilité dans ce qui m’arrive, mais je ne regarde pas en arrière. Même si je me flagellais, mon bagage resterait ce qu’il est. Je ferai avec! Je peux peut-être influencer l’avenir: penser ça me donne de l’énergie. Je vis dans mon présent. Je n’ai pas ce qu’on appelle une «attitude positive», je ne cherche pas le bonheur. Simplement, j’aime la vie.

En fait, plus je pense à la mort, plus je pense à la vie. Ça marche ensemble, on ne peut pas séparer les deux. Et plus je pense à la vie, moins la mort me fait peur. C’est extraordinaire! Mais j’aimerais vivre longtemps, parce que j’aime la vie, sa force. C’est ma plus belle découverte. Avant, avec les enfants, le travail,je n’avais jamais le temps de m’arrêter à la beauté de la vie. Aujourd’hui, je prends tout ce qu’elle m’offre. Tu vois le soleil à travers les branches? Eh bien je le prends!
― Savoir la mort si proche, est-ce que ça t’a rapprochée de la religion ?
― J’ai abandonné la religion il y a très longtemps. Je n’y suis pas revenue. Mais il m’est arrivé une drôle de chose. En faisant ma marche, je suis passée devant une statue de la Vierge, près d’un couvent. Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis mise à lui parler. Imagine! Moi qui n’ai jamais été portée vers elle, au contraire (elle m’a toujours énervée!), je lui ai dit: «Marie, t’es une femme, peux-tu m’expliquer pourquoi mes ovaires, qui ont permis de donner la vie à tant de reprises, m’enlèvent la mienne aujourd’hui?» Depuis ce jour-là, elle est devenue ma confidente. Pas une sainte, une femme comme moi. Dieu? Je l’associe au soleil. Quand je fixe la lumière à travers les branches, je le sens. Je lui demande: «Donne-moi l’énergie de poursuivre» et ça me rassure. C’est ma forme de méditation à moi.

Tu sais, j’ai hâte de sortir de mon corps. Il y a une date fixée pour moi sur un calendrier, quelque part, et ce jour-là je vais enfin être libérée, je vais devenir moi tout entière, avec mon énergie entière. Mon corps aura fait son temps. En fait, je ne mourrai pas. Je suis devenue très consciente de ça: on est éternels, on a toujours été, on fait juste entrer dans un corps, puis on l’abandonne et on continue. J’ai une image dans la tête, celle de l’océan. Prends une goutte, n’importe laquelle. Si tu la relances dans l’océan, tu ne peux pas dire: tiens, la voilà, je la vois! Mais tu ne peux pas dire non plus qu’elle a disparu. Simplement, elle est redevenue l’océan.
― Tu as trouvé le bonheur?
― Je préfère parler de joie intérieure. De lumière. C’est tellement beau ce que je vis, je souhaiterais un cancer à tout le monde, juste le temps d’être obligé d’y faire face! [Rires] Mais je suis encore ici, sur Terre, je ne suis pas encore désincarnée, la vie est toujours belle et j’ai encore besoin des autres. J’ai de la difficulté avec le mot bonheur. On dirait, des fois, que les gens se sentent obligés d’être heureux. Alors ils forcent la note. C’est très exigeant! Ça arrive à plusieurs malades à qui on répète que, pour s’en sortir, il leur faut prendre une «attitude positive». Ça devient un devoir. S’ils n’y arrivent pas, ils se sentent coupables. C’est horrible. Il n’y a pas de recette de bonheur, pas de mode d’emploi. Seulement l’ici-maintenant, sans forcer.
Il m’arrive d’avoir de grosses «crises de braillage» dans le bois. Un jour, j’ai piqué une colère noire. J’étais révoltée contre tous les deuils que j’avais à vivre: mes projets de retraite, ma vie de couple vieillissant, les petits-enfants que je ne connaîtrai pas. J’ai tout pleuré ce que je pouvais pleurer. Puis je me suis dis: «Et maintenant, qu’est-ce que tu fais?» Je ne me crée plus d’attentes. Si je ne deviens jamais grand-mère, mon deuil aura été fait. Si je le deviens, ce sera une joie totale. J’ai commencé à écrire un autre livre. Je le finis? Merveilleux! Non? Tant pis! Je suis prête à partir. »

Au bout de notre chemin, un large étang, serein. Des bernaches se dandinent sur la rive, des malards se chauffent sous un rayon oblique. Un écureuil pressé nous passe entre les pieds. C’est le crépuscule. La vie, la mort, le temps, l’éternité… Ici, maintenant, tout ça s’entremêle. Elle a raison, ma petite sœur. La mort est dans la vie, la vie est dans la mort. Voilà peut-être la leçon du cancer…